La fête de la Toussaint, qui ouvre chaque année le mois de novembre, est une occasion d’entendre de manière renouvelée notre appel à la sainteté.
Pauline parle aux prêtres :
« Ô conducteurs de la barque, permettez que je vous dise ce que les apôtres disaient à Jésus lui-même : « Réveillez-vous ! Nous périssons ! » Le torrent des scandales, semblable à une mer agitée, est entré dans le temple, il a inondé la nef, il a franchi les barrières du sanctuaire ; il menace d’entraîner dans son sein, en se retirant, tous ceux qui ne se réfugient pas sur le marchepied de l’autel, qui représente l’amour de Jésus-Christ… Ô mes pères ! J’ose vous en conjurer, venez au tabernacle pour y entendre les tendres plaintes de Jésus-Christ ; vous y apprendrez qu’il est votre plus fidèle ami, et que son cœur désire ardemment que vous alliez à lui avec un aimable abandon et une entière et parfaite confiance […] Vous l’entendrez, sans doute, vous dire que tous les trésors de sa bonté sont pour vous, qu’il n’attend qu’un signe de votre volonté pour les ouvrir. »
Pauline Jaricot. Ecrit spirituel. L’amour infini dans la divine eucharistie (1822), Mame, 2005, p. 111-116.
Le torrent des scandales qui secouent la barque de l’Église
Il y a un peu plus d’un an, le rapport de la CIASE (Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Église) était rendu public. Il a fait exploser à nos regards l’ampleur des abus sexuels commis par des clercs sur des mineurs au sein de l’Église. Outre l’immense compassion pour les victimes qui a été exprimée à cette occasion, c’est aussi l’immense scandale suscité par de telles révélations qui nous a tous ébranlés. Déjà à l’époque de Pauline, les scandales, hélas, n’épargnaient pas l’Église, dont les clercs ne semblaient déjà pas plus conformes aux obligations de leurs ministères… loin de se décourager devant la médiocrité des prêtres de son temps, Pauline n’hésite pas à les stimuler à une plus grande proximité avec Celui qu’ils ont charge d’annoncer.
Venez au tabernacle : tous les trésors de sa bonté sont pour vous
C’est aux prêtres qui président habituellement l’eucharistie que Pauline s’adresse ici pour les inviter à s’approcher du tabernacle ! Apparemment, qui mieux qu’eux pourrait être proche de l’eucharistie ? Pourtant, comme ils l’ont entendu le jour de leur ordination, ils sont constamment invités à « conformer leur vie au mystère qu’ils célèbrent dans ces rites ». Faire mémoire du Corps brisé du Seigneur en célébrant l’eucharistie est une invitation à se souvenir de ceux dont le corps a été brisé. S’approcher du tabernacle, comme y invite Pauline, c’est reprendre conscience que toute personne est un tabernacle, un lieu saint, une demeure sacrée de la présence du Seigneur que nul ne doit pouvoir profaner ou violenter.
Plutôt que mettre la main sur l’autre, l’eucharistie nous apprend à ouvrir nos mains pour accueillir l’amour que Dieu ne cesse de nous donner à tous gratuitement. Dans l’eucharistie, il n’y a rien à prendre, puisque tous les trésors de la bonté du Seigneur sont pour nous. Il n’y a qu’à ouvrir son cœur pour accueillir la présence du Seigneur et laisser sa sainteté transfigurer toutes nos médiocrités.
Fr. François-Dominique Forquin, o.p., Aumônier national